La culpabilité est une des grandes amies de ce trouble alimentaire qu’est la boulimie. Elle est un mélange de responsabilité personnelle inachevée ou incomprise, et d’une détresse éprouvée et envahissante. Ce sentiment est commun à toutes les personnes souffrant de ce trouble du comportement alimentaire. D’où provient-il, et quelles en sont ses conséquences ?
1. LA BOULIMIE, UNE MALADIE PLACÉE SOUS LE SIGNE DE LA CULPABILITÉ
Ce trouble alimentaire qu’est la boulimie, place la vie de toute personne qui en souffre sous le signe de la culpabilité.
En réalité, la totalité de son quotidien gravite autour de cette pathologie. Pas une seule seconde de répis ne lui est accordée : le trouble a supplanté les autres aspects de sa vie, les éradiquant totalement.
La boulimie est une maladie vicieuse. Bien que souvent confondue avec le premier plan d’une maladie, elle est en réalité l’expression d’une douleur. Le symptôme d’une souffrance insupportable et innommable.
L’esprit humain est un vivier. Un vivier d’émotions, de sentiments, de souvenirs, qui se mélangent parfois. La vie de chaque individu s’en trouve emprunte et orientée.
Parfois, ce vivier subit les intempéries de la vie, et l’équilibre de ses habitants s’en trouve bouleversé.
En réalité, la boulimie n’est pas un trouble de la volonté. Elle est l’expression, le symptôme d’un mal-être trop lourd à porter dans l’existence. Une douleur trop profonde qui ne trouve pas sa place dans la réalité du monde, et qui cherche par tous les moyens à se faire entendre.
La personne en souffrance est alors prise entre deux eaux. Avec d’un côté, une angoisse et une douleur qu’elle ne peut nommer et qui ne se matérialise pas toujours. Puis avec de l’autre, un trouble grandissant, qui la cloue au sol à chaque tentative de lui échapper.
2. UNE CULPABILITÉ MULTIPLE
La boulimie est donc un trouble du comportement alimentaire aux visages différents, dont la souffrance quotidienne reste à souligner.
La souffrance sous-jacente, qui frappe continuellement à la porte de la personne qui l’endure. De la souffrance de la boulimie, dont la rage et l’angoisse s’amplifient jour après jour.
a. Les crises de boulimie
Les crises de boulimie sont une des problématiques les plus épuisantes et source d’angoisse et de culpabilité pour la personne qui en souffre.
Avant la crise, c’est un sentiment incontrôlable qui s’invite dans l’esprit du patient. L’urgence de manger, l’urgence d’ingérer, l’urgence de la nourriture qui ne peut plus attendre.
Une urgence impossible à dominer, qui se manifeste par la prise incontrôlée et impressionnante de nourriture dans un temps restreint : la crise de boulimie.
Après la crise, c’est un nouveau sentiment qui s’invite chez la personne boulimique. Le sentiment d’avoir raté, de n’avoir pas su contrôler ses pulsions. De ne pas être comme tout le monde, et par-dessus tout, la honte d’être ainsi, devant des crises hors du temps qu’il paraît impossible de dominer.
La culpabilité arrive alors. Culpabilité de ne pas être le meilleur, culpabilité de n’avoir pas pu stopper la crise et par-dessus tout d’agir ainsi. Mais aussi la culpabilité de ne pas arriver à tenir ses résolutions ou d’effectuer des dépenses alimentaires excessives.
b. La vie sociale
La vie sociale est lourdement impactée par la boulimie. En effet, la boulimie est chronophage et solitaire. (voir notre article à ce sujet : La boulimie, un tête à tête en solitaire).
En réalité, la boulimie est comme un bulldozer. Une machine sans foi ni loi qui efface du monde du sujet tout espace libre. La vie sociale, la vie professionnelle, la vie familiale et même les hobbies s’en trouvent évincés, par manque de temps et par manque de place.
Le sujet souffrant de ce trouble alimentaire culpabilise de son trouble, dont il a honte et dont il est bien souvent devenu l’esclave. En parallèle de cette culpabilité grandissante face à ce trouble, s’ajoute la culpabilité de la complexité qu’est devenue la vie sociale.
En d’autres termes, la boulimie est un sérieux obstacle à la vie sociale qui augmente encore la culpabilité.
Les refus de repas entre amis, d’éventuels vols de nourriture, sortir de table au milieu d’un repas ou encore ne pas pouvoir écouter pleinement une conversation à table, tant l’obsession pour la nourriture est importante.
Le patient souffrant de la maladie n’est plus libre : il est esclave de son trouble.
c. Un cercle vicieux
La boulimie est un véritable cercle vicieux.
Il est important de rappeler, encore une fois, que la boulimie est une maladie. L’expression d’une souffrance à l’extrême opposé du manque de volonté ou d’une faiblesse d’esprit. La boulimie est un trouble du comportement alimentaire, dont il est difficile de se défaire.
Lorsque la boulimie s’installe au quotidien, elle vient à prendre tellement de place dans la vie du sujet, qu’elle en devient un membre à part entière. Progressivement, le sujet en vient à suffoquer de sa présence.
Il tente alors de s’en défaire. Mais la boulimie est féroce et implacable. Les rechutes sont alors bien souvent inévitables, entraînant une avalanche de culpabilité.
3. DÉMYSTIFIER LES TROUBLES ALIMENTAIRES
a. Démystifier pour avancer
Les troubles du comportement alimentaire, que sont la boulimie ou encore l’anorexie, restent pour beaucoup incompris. Ils sont pour certains un manque de volonté, pour d’autres un régime de vie trop strict ou même une faiblesse de l’esprit.
Il est primordial et même vital d’aborder cette question des troubles alimentaires et notamment de la boulimie. Les personnes atteintes de cette maladie sont nombreuses. Un effort de démystification permet de comprendre et d’accompagner les personnes en souffrance comme leur entourage sur la voie de la guérison de cette pathologie complexe.
En réalité, et comme nous l’avons souligné, les troubles alimentaires sont des symptômes. Le reflet direct de l’esprit de la personne qui y fait face.
En approchant les troubles avec un angle différent, il est tout à fait possible d’aborder la pathologie sous un nouvel œil. De comprendre l’origine du trouble, ses tenants et ses aboutissants. Il est ainsi possible de démystifier les croyances et la stigmatisation autour de cette pathologie qu’est la boulimie.
La boulimie n’est pas un démon qui possède le malade, mais un simple cri de souffrance. Une tentative de survie psychique face à une douleur interne insupportable.
Car ces croyances sont parfois destructrices pour le patient comme pour l’entourage. La culpabilité qui y est empreinte est alors d’autant plus grande qu’elle porte sur son dos le poids des préjugés.
b. Démystifier pour guérir
Par ailleurs, si la culpabilité est très proche de la morale de notre société, il est important de l’accepter et de la ressentir.
“Le sentiment de culpabilité est un aiguillon puissant.” – De Paul Auster (Léviathan)
La culpabilité permet également de travailler sur son origine, et ainsi de remonter le fil de la maladie.
Consulter un thérapeute expert, professionnel en troubles du comportement alimentaire est indispensable. Pour guérir, mais aussi pour prévenir les rechutes et les sentiments lourds et désagréables du patient.
Être accompagné de la meilleure façon qu’il soit, est une opportunité qu’offre la modernité. Un travail thérapeutique et sur mesure, dans un cadre neutre et bienveillant, permet de dépasser le symptôme et de voir au-delà de la maladie.
“Ce n’est pas le mal, mais le bien, qui engendre la culpabilité.” – De Jacques Lacan