Ce serait si simple de pouvoir entrer dans une pièce et de dire : “Bonjour, je m’appelle Coralie, j’ai 17 ans, je suis anorexique et plusieurs fois dans ma vie (courte !) j’ai voulu mourir.”
Je souffre de ce mal qu’est l’anorexie depuis mes 14 ans.
Avant, j’étais une fille normale, ni trop grosse ni trop maigre. Et puis, il y a eu ces phrases stupides que des personnes prononcent sans savoir à quel point elles font souffrir. J’ai commencé à manger de moins en moins…
Je pensais pouvoir m’arrêter dès que je le voudrais, mais c’était faux. Aujourd’hui encore, il m’arrive de penser que je peux le faire.
Pourtant cette maladie est en moi et j’arrive à ne plus la voir comme une maladie, mais comme un trait de caractère, que dans une liste on placerait entre hypersensible et timide.
Elle fait tellement partie de moi que parfois je pense que si je n’étais plus malade, je n’aurais plus de contrôle sur rien.
Au départ, je ne supportais pas le regard des autres sur moi. Sauf un. Celui de mon meilleur ami. Il était le seul à savoir et j’ai cru aux belles paroles qui disent “Ne t’en fais pas, je serai toujours là”.
Et puis un jour, une autre fille est entrée dans sa vie et tout d’un coup, il n’était plus là.
Là, j’ai sombré. Je suis devenue encore plus anorexique. J’ai réduit mon alimentation, je vomissais la moindre once de cette bouffe infâme qui venait souiller mon corps. Dans ces moments-là, j’ai une sensation de puissance, j’ai l’impression qu’enfin je contrôle quelque chose, que la vie ne peut plus me jouer de mauvais tours car je contrôle.
Pour les gens qui ne sont pas malades, cela semble une folie, mais je sais que pour d’autres filles comme moi, ces quelques lignes ont un sens.
J’ai continué ainsi à vivoter, me débrouillant toujours pour ne rien laisser paraître. Alternant périodes quasi normales et restrictions totales. Quand je ne mange pas, c’est une victoire sur moi même et sur mon corps.
Une victoire que j’ai effectuée seule et que personne ne peut m’ôter. J’ai souvent le sentiment que tout file entre mes doigts comme du sable : le temps, l’amitié et surtout l’amour.
Et puis Yves est arrivé.
Lui, c’était l’un de mes amis les plus proches. Notre histoire a démarré il y a bientôt 4 mois.
Dès le départ, je lui ai dit la vérité. Là encore, les promesses furent grandes et une fois de plus, j’ai tant voulu y croire… On vivait une histoire merveilleuse, j’étais heureuse, j’ai gagné de la confiance en moi.
Pour lui, je VOULAIS, oui, voulais guérir et ne plus faire semblant comme je l’avais fait auparavant. J’ai commencé à me réalimenter et parfois même, j’y prenais plaisir. Pour lui, je voulais redevenir une fille normale. Je voulais devenir une fille bien, un être saint, pour qu’il ne souffre pas de me voir me détruire. Aujourd’hui, notre histoire s’achève et je pense que même s’il ne l’avoue pas, ma maladie y est pour quelque chose.
Qui voudrait être avec une fille comme moi, anorexique, qui possède en elle le pouvoir de détruite à petit feu, qui au fond est si dérangée ? Je n’arrive pas à lui en vouloir, mais je ne vois plus l’intérêt de vivre.
Lui me dirait ” Tu le fais pour toi, pas pour moi”.
Mais je n’ai jamais eu d’estime pour moi-même, alors… Pourquoi je ferai ça pour moi ?
Je sais que je pense cela sous le coup de la tristesse, mais je me sens si mal que je voudrais vraiment que tout s’achève.
Les adultes diraient “c’est la vie”. Si la vie se résume à des courtes périodes de bonheur, face à toute cette souffrance, alors je ne veux pas vivre, car c’est bien trop dur à supporter. Je ne sais pas où trouver la force de me battre et je ne sais pas pour qui me battre maintenant.
C’est comme si un matin le soleil ne se levait plus.
Je voudrais entrer dans un trou de souris et m’y faire murer. La bouffe me dégoutte encore plus que la vie elle même.
Pourtant, je me dis que si j’arrive à changer, cette fois pour de vrai et si lui remarque que je me suis libérée de ce mal, alors peut être qu’il reviendra. Je crois que si je ne me fixe pas ce but, je vais faire une connerie, alors j’essaie d’y croire.
Mais ce n’est pas facile. Je suis anorexique. J’espère de tout cœur arriver à être assez forte pour dominer cela, même si aujourd’hui je suis seule face à ma maladie. Elle fait pourtant tellement partie de moi, c’est un peu comme si en voulant guérir, je me trahissais.
Cela parait tellement insensé.
J’espère pouvoir un jour envoyer un témoignage, et dire : C’est fini, j’ai gagné ! C’est là la seule vraie victoire.
Merci de m’avoir lue.
Coralie